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Accoucher plus sereinement

La mise au monde d’un enfant s’accompagne souvent de craintes liées à la douleur. L’évolution des méthodes d’accouchement a entraîné des controverses. Explications.

À Versailles, la reine Marie-Antoinette accouchait en position assise, sur une chaise spécialement conçue à cet effet. Aujourd’hui encore, près de 90% des naissances dans le monde ont lieu à domicile, selon l’Organisation mondiale de la santé. Mais depuis le milieu du siècle passé, les pays industrialisés ont enregistré une médicalisation massive des accouchements. En 2017, 98,3% des femmes ont choisi de se rendre à l'hôpital pour accoucher.

Cette évolution s’accompagne cependant de certaines controverses. La position allongée pour donner naissance est ainsi dénoncée comme étant uniquement utile au corps médical. « Il est vrai que la position couchée n’est pas idéale pour les femmes, mais il est également important de se rappeler que la médicalisation de cette pratique a permis de réduire drastiquement le taux de mortalité des mères et des nouveau-nés », remarque Aude Dufour, sage-femme responsable de la gynécologie-obstétrique-policlinique aux Établissements hospitaliers du Nord vaudois. À l’époque de Marie-Antoinette, une femme avait 1,11% de risques de perdre la vie lors d’un accouchement. Un taux qui se situe aujourd’hui à 0,005% en Suisse.

Des voix s’élèvent aussi pour dénoncer des violences obstétricales ou exprimer le ressenti d’un manque de considération lors de cette situation éprouvante : déclenchement de l'accouchement, gestes inexpliqués, recours trop fréquent à la césarienne ou à l’épisiotomie (voir le lexique). « Lorsque l’accouchement se passe mal, il faut agir en urgence, explique Aude Dufour. Et il est impossible d’expliquer tous les cas de figure aux patientes au préalable. Ce que nous essayons de faire aux hôpitaux du Nord vaudois pour lutter contre ce sentiment de dépossession de soi, c'est de communiquer au maximum sur le moment à propos des gestes effectués. »

Aussi la maternité de l’hôpital d’Yverdon-les-Bains propose-t-elle diverses solutions pour faire face à la douleur. Les patientes peuvent prendre un bain relaxant dans un jacuzzi agrémenté d’huiles essentielles ou encore réaliser une déambulation accompagnée d’un massage par une sage-femme ou la personne accompagnante. « La résistance à la douleur varie aussi en fonction de l’historique personnel. Selon la relation que la personne entretient avec ses parents, par exemple, la maternité en devenir peut constituer une étape difficile et être un facteur d'accroissement de la sensibilité.

Autre aspect compliqué : « Les femmes ne savent pas combien de temps elles vont devoir tenir avec des douleurs d’une telle intensité. Parfois, au moment où la dilatation du col est suffisante et que la péridurale (voir le lexique) peut être administrée, l’idée du terme de la douleur détend les patientes et elles accouchent avant même d’avoir reçu l’injection. » Pour le bon déroulement de cette étape, Aude Dufour mise sur la flexibilité et une bonne communication. Les femmes doivent pouvoir accoucher dans la position qui leur convient le mieux. Elles auront donc le choix entre la baignoire, dont l’eau permet souvent d’atténuer les souffrances liées aux contractions, la chaise Maya, en forme de croissant de lune qui aide à reproduire une position accroupie afin de faciliter la sortie de l'enfant, ou encore sur le lit d’hôpital à quatre pattes.

Simplifier l’accouchement passe aussi par une bonne préparation. Or, la sage-femme déplore la faible participation aux cours proposés par l’établissement. « Nous vivons de plus en plus dans l’immédiateté en raison de l’accélération de nos modes de vie et le perfectionnement des appareils numériques. Mais l’accouchement et la parentalité sont des processus qui demandent du temps, et de la maturation. Ce n’est pas pour rien que la grossesse dure neuf mois et que l'on est deux ! »

Aude Dufour

Aude Dufour

Sage-femme responsable de la gynécologie-obstétrique-policlinique aux eHnv

Césarienne
Geste chirurgical d’ouverture de la paroi abdominale pour pouvoir extraire l’enfant de l’utérus de la mère.

Péridurale
Anesthésie locale afin de couper les sensations dans la partie basse du corps. Elle peut s’effectuer dès que la dilatation du col de l’utérus a atteint 2 à 3 cm.

Épisiotomie
Incision allant de la vulve au périnée pouvant être pratiquée lors de l’accouchement pour diminuer la durée d'expulsion d'un enfant qui donne des signes de souffrance.


Accoucher plus sereinement

« J'ai accouché sans péridurale »

« Je suis de nature plutôt organisée. J’aime bien pouvoir anticiper les choses, or le déroulement d’un accouchement n’est pas quelque chose que l’on peut complètement prévoir », explique Delphine Brunet. La jeune femme de 30 ans, établie à Froideville, avait ainsi choisi d’accoucher dans la baignoire de la maternité des Établissements hospitaliers du Nord vaudois. Sa principale crainte était de subir une épisiotomie ou une césarienne (voir le lexique).

Trois semaines avant le terme annoncé, Delphine Brunet se rend à l’hôpital après avoir perdu les eaux. « Le personnel m’a alors expliqué que le travail ne se mettait malheureusement pas en route. J’étais désespérée à l’idée de subir une césarienne si le processus ne s'enclenchait pas. » En attendant, la patiente prend des comprimés pour provoquer l’accouchement. Entre deux contractions, la future mère utilise un ballon afin d’atténuer les douleurs. Elle s’octroie aussi un bain relaxant.

« J’ai ressenti une contraction particulièrement violente en sortant de la baignoire. J’ai alors appelé une infirmière pour lui dire qu’il y avait un problème. » La sage-femme aperçoit alors la tête de l'enfant et, deux poussées plus tard, Delphine Brunet et son mari accueillaient leur fille née le 24 septembre dernier sans césarienne, sans péridurale (voir lexique) et finalement hors de l’eau. « Le processus a été relativement long, mais l’accouchement en lui-même particulièrement rapide. Je pensais que ça allait être plus compliqué. »

 

Texte : Carole Extermann
Photographie : François Wavre